Tokugawa Ieyasu fut une figure fondamentale du Japon ; à la tête d'une armée redoutable, il fonde en 1600 une dynastie militaire qui régnera sur le Japon durant 268 ans. Shogun autoproclamé de tout le Japon, Tokugawa décide de fonder une nouvelle capitale militaire, pour remplacer Kyoto en laquelle il ne voit qu'un domaine impérial dénué de pouvoir. Il choisit l'ancien avant-poste d'Edo, village de pêcheur construit autour d'un château colossal, et base stratégique permettant de développer un port. En 1603 il établit sa capitale dans la future Tokyo, inaugurant la période Edo (1603-1868).
Au milieu du 18ème siècle, Edo est déjà la plus grande ville du monde avec un million d'habitants. Lors de la restauration du pouvoir impérial en 1868, l'empereur s'installe dans la nouvelle capitale, rebaptisée Tokyo, qui signifie « capitale de l'est ». C'est le début de l'ère Meiji (1868-1912) ou ère des lumières.
Après trois heures de Shinkansen j'arrive enfin dans la grande et inaccessible « capitale de l'est », la mégalopole forte aujourd'hui de 12,6 millions d'habitants. C'est la fin de matinée, une chaleur accablante, je traîne un peu à Ginza, près de la gare. Premier arrêt dans l'impressionnante voûte de verre du Forum International, qui n'est pas sans rappeler un squelette de cétacé.
Je déambule ensuite dans ce quartier chic où s'alignent les boutiques, voire les buildings des enseignes prestigieuses, parfois dans une escalade de kitch tapageur.
A droite, l'Hermès building
Je vais m'extasier des dernières innovations technologiques présentées dans les showrooms rutilants du Sony Building. Mais il m'en faut plus, il me faut du vertige. Je prends le métro aérien JR pour aller à Shinjuku, le quartier des gratte-ciel. Les rues sont très larges, et l'ensemble finalement plus aéré que je ne l'imaginais, pourtant ce sont des véritables géants de bétons, de verres et d'acier, qui se dressent tout autour, rivalisant d'audace et de modernisme.
Je marche jusqu'au Tokyo Metropolitan Government, réplique disproportionnée de la façade de Notre-Dame-de-Paris qui culmine à 243 mètres.
La vue depuis l'observatoire du 45ème étage (où l'ascenseur nous propulse en moins d'une minute) donne plus que le vertige : c'en est émouvant.
La ville géante s'étend à perte de vue, verticalement sillonnée par d'autres géants de plus de 300 mètres. C'est grandiose et colossale ; beau.
J'immortalise l'instant fugace de ma présence, finalement incongrue, dans cette drôle de tour. Au loin le parc du Meiji-jinga.
Ci-dessus l'impressionnant ensemble du Shinjuku Park Tower, qui habrite notamment le Park Hyatt Hotel. A ma descente du TMG, je cherche à boire un verre dans le New York Bar perché entre les 39ème et 52ème étage, hélas il est encore fermé.
Alors je plonge et me jette dans cette jungle moderne, je marche jusqu'à Roppongi en traversant le parc Meiji-jinga, puis le quartier chic de Horajuku et ses boutiques de mode. En chemin je prends un café au Hamburger Inn où je fais la connaissance d'un serveur sénégalais adorable, Cosmo. Il m'explique où trouver un manga kissa...
Le soir approche, il est temps de me plonger dans la jungle urbaine de Roppongi, réputé pour ses soirées sulfureuses. En passant devant la superbe tour de Roppongi Hill, je me promets d'y revenir à la nuit tombée pour en découvrir la vue.
Pour patienter je vais au Gas Parking, un bar aux allures de boîte de nuit qui propose l'ensemble de ses consos à 400 yens (moins de trois euros) toute la nuit « because it's friday » m'explique le barman américain. J'enquille les cuba libre avant de me rendre à la Tokyo City View, l'observatoire de Roppongi Hill. J'ai droit à la même émotion que dans le TMG, mais nocturne. Vertige assez indescriptible que ces buildings illuminés qui vont plus loin que l'horizon.
Comme l'entrée comprend celle du musée, je traîne un peu dans une belle exposition de l'oeuvre de Le Corbusier, dont la novation architecturale ne peut qu'intéresser les tokyoïtes.
Après cela, retour au Gas Parking où l'ambiance était nettement plus survoltée, l'occasion pour moi de saisir l'exubérance des nuits de Roppongi. Je buvais tranquillement un cuba libre au bar, non loin de deux jeunes filles très belles qui se faisaient draguer par des occidentaux deux fois plus vieux qu'elles. Un peu victimes de la mode, elles arboraient des tenues inspirées du costume des collégiennes, en nettement plus court, et une plastique absolument parfaite – même si les immenses tatouages de la décolorée et ses ongles emperlousés auraient pu en refroidir certains. Soudain, les deux jeunes femmes montèrent sur le comptoir et se mirent à danser juste à côté de moi. La brune avait quasiment ses talons dans mon verre. Comme elle était fort peu vêtue, je n'avais qu'à lever les yeux (ce dont je ne me suis pas privé) pour admirer le galbe saisissant des jambes, voire des fesses puisque la jupette laissait facilement voir le string léopard.
Pas de conversation possible dans ce boucan, pur repère de prédateurs ; je suis retourné me balader avant d'engloutir un bol de nouilles et une dernière bière.
Pour que la nuit soit tokyoïte jusqu'au bout, je l'ai passée dans un manga kissa, en fait un cyber café géant équipé de box individuels que l'on peut louer à petit prix pour toute la nuit, offrant accès, en plus de la connexion, à des DVD, des magazines, et des centaines de manga. Enfin, thé et boissons à volonté. J'ai pris l'option fauteuil inclinable, qui permet de récupérer quelques heures à défaut de dormir confortablement.